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Vietnam

Subject: Vietnam charm
Sent: lundi 3 novembre 2003 14:32:30
Hello hello !quelques nouvelles, après ces quelques jours au Vietnam où ça y est, je plonge corps et âme, complètement transportée par le charme d’Hanoi. Je vais avoir du mal à en partir ! Demain je m’éclipse trois jours dans la baie d’Halong, un petit tour que font tous les touristes mais qui, je crois, n’est pas mal du tout : une nuit sur un bateau, l’autre sur une île à l’hôtel ; randonnée dans la forêt et les villages, canoë-kayak, baignade… J’ai trouvé tout à l’heure au fond de mon sac mon paréo (celui de Goa…) que j’avais presque oublié, bien roulé en boule quelque part dans une poche. Ca va faire du bien de voir la mer !

Vendredi, nouvelle journée à Hanoi – chaque jour ici est un enchantement, je ne m’en lasse pas ; cinq jours déjà, je crois, à flâner, fouiller des yeux, c’est comme si cette ville avait plusieurs épaisseurs, il faut repasser plusieurs fois… -, et le week-end je repars pour deux jours de randonnnée dans les montagnes, histoire d’avoir une meilleure vision, j’espère, des montagnes du Nord que celle que j’ai eue les deux premiers jours à Sapa, où il n’y avait, littéralement… pas de vision ! Une brume à couper au couteau. Un peu décevant après la super randonnée faite au Yunnan.

Mais surtout, je crois que, comme les premiers jours en Chine, il va me falloir à chaque fois quelques jours d’acclimatation. C’est tellement étrange de se construire des repères, de commencer à naviguer avec aisance quelquepart, puis de tout recommencer, surpris car on a toujours tendance à supposer que deux pays séparés par une frontière de 20 mètres de large devraient tout avoir en commun…

Art de vivre indochinois

En tout cas, troisième pays d’Asie, troisième découverte. C’est passionnant, même si je ne parle pas les langues, même si j’effleure les cultures, je commence à avoir des éléments de comparaison, à comprendre certaines choses par déduction et comparaison avec les précédentes découvertes.

J’ai eu un choc au musée des Beaux-Arts de Hanoi. Quel bonheur de retrouver ici l’esthétique, le raffinement ! tout en gardant le charme du bazar asiatique…

Que ce me semble propre ! trop propre, même, et trop facile. Il y a des touristes partout, et pas seulement des backpackers : également des gens en vacances, qui visitent, consomment, blindent leurs sacs de souvenirs et se parfument pour aller dîner le soir… Très bizarre, après la Chine.

En tant que Français on est accueilli à bras ouverts, on a l’impression d’arriver chez des cousins. Et tous ces cafés (ou ca phe) partout, sur un coin de trottoir, dans une échoppe, ou sur une terrasse avec des tables en fer forgé…

Ouh là là, je suis mordue par Hanoi !

Un peu comme par Barcelone : des plantes vertes qui sortent partout, du fer forgé, le jaune des murs, l’architecture (Art Déco de rigueur…)… Mais plus lent, moins agressif, cela doit venir de la langue aussi.

Et pour me rien gâcher, le pouvoir d’achat grimpe encore un peu. Je dors (comme un bébé) dans un dortoir pour 1 US$ par nuit. On peut boire à un café sans se ruiner. La cuisine est un peu décevante après la Chine, par contre (surtout quand on évite les fruits de mer). Je continue à vivre dans la rue, au marché le matin qui regorge de petits stands, en vadrouille la journée, démarche lente, locale (il fait chaud…)…

Je pense bien à vous. J’espère retrouver cette atmosphère à Pnom Pehn (orthographe douteuse ?…) ?…

Je vous embrasse fort,

Pauline

24/11/2003 16:05 Objet : Good morning (Vietnam)

Ho Chi Minh City (Saigon), 35 degrés moites et un brouhaha qui ronronne déjà à 5h du matin, quand les Vietnamiens se mettent en branle (je les rejoins vers 6h, généralement… A 8h, il faut déjà sortir la crème solaire ; à 9h, le premier coca se fait urgent).

Ca n’empêche qu’on aperçoit ça et là des panneaux « Merry Christmas 2003 » et « Happy New Year » avec des pères Noël et des guirlandes de sapin. Finalement, les decorums festifs chrétien et boudhiste se fondent assez bien : la guirlande électrique, le papier d’argent et les bougies rouges se retrouvent à égalité. 

Au bout d’une nuit d’encre de Chine

La transition avec la Chine a été boueuse. Je ne pouvais quitter le pays sans avoir testé un moyen de transport encore evité – mais je me demande parfois si quelqu’un a déjà essayé de recenser les moyens de transport en Chine : impressionnants de créativité en la matière, les Chinois se déplacent sur tout et n’importe quoi – : le bus-couchette. Un nom séduisant, pour un concept peut-être séduisant par temps sec (et encore…), en tout cas assez reluisant de boue par la pluie qu’il faisait à Kunming ce jour là. J’ai finalement réussi à passer avec mon sac à dos entre deux des trois rangées de lits, à déloger le type déjà avachi avec ses chaussures sur celui qui m’était attribué, à encastrer les sacs entre les cartons, sacs plastique, chien (pendant les trois premières heures du voyage j’ai cru que c’était un poulet, au bruit. Après j’ai commencé à émettre des hypothèses sur la capacité de continence du chien, coincé sous une banquette pendant 15 heures, et à calculer la pente qui le séparait de mon pauvre sac à dos heureusement déjà protégé d’une bonne couche de boue huileuse).

On s’est mis en route vers Lao Cai, à la frontière du Vietnam ; j’ai demandé à mon voisin de gauche de bien vouloir cracher ses bouts de cure-dents dans l’autre couloir ; il faut dire que j’avais besoin de ce couloir-ci pour loger tantôt mes fesses, tantôt mes pieds, les 150 cm du lit (pour 35 de large) ne permettant pas de tout rentrer. Le côté carcéral du bus – des barres de fer dans tous les sens, horizontal et vertical – s’est avéré très pratique, pour tenter de rester chacun à peu près accroché à son lit (pas comme les sacs et cartons qui, eux, voyageaient déjà sur la couche de mégots du sol).

A 6h, on m’a larguée à la ville frontière, nuit noire, pluie incessante, charmant port de pêche ou brillait la lumière d’un bar déjà ouvert, où j’ai rencontré un Américain éleveur de bambous avec qui on a commencé à faire le parcours du passe-frontière : trouver la bonne banque pour changer les billets – et récupérer un matelas de Vietnam Dongs, 1 US$ valant 15 000 dongs, on se retrouve millionnaire, et la silhouette « ceinture à billets » devient de plus en plus sexy -, passer les contrôles du SRAS (prise de température), de la douane, etc. Après on se retrouve bête, à traverser à pieds un pont de 50 mètres de long, avec l’impression de flotter dans la brume.

50 mètres plus loin ce n’est pourtant plus pareil. Les gens se ressemblent, même s’ils ont beaucoup plus de chapeaux coniques (on en voyait déjà un peu au Yunnan), mais ils parlent mieux anglais. Il y a des mini-baguettes de pain partout ! Les maisons ont des façades, colorées et à balustrades. Ce n’est qu’une façade, les côtés de la maison sont laissés brut de décoffrage, mais déjà on sent la recherche esthétique. Tant de couleurs d’un coup, malgré la pluie aussi glauque que de l’autre côté de la rivière, on se croirait rentré à Disneyworld, ça ne peut qu’être plus relax, ce pays…


Rizières dans la brume

J’ai commencé par trois jours dans les montagnes à Sapa, à deux pas de la frontière, où vivent des minorités ethniques aux costumes folkloriques, les Hmongs Noirs notamment, qui font pousser le chanvre (pour fabriquer le tissus…) et l’indigo (pour le teindre !), et ont, pour les femmes, les mains bleues à force de travailler ce matériau (les touristes, eux, ont des sacs à dos bleus, à force de l’acheter et de l’empiler avec leur linge dans l’atmosphère saturé d’humidité de Sapa…).

La brume s’écartait une heure parfois le matin pour laisser voir les rizières partout sur les flancs des montagnes, mais globalement mon hôtel avec terrasse panoramique n’a pas été d’une grande utilité. Sinon de m’offrir pour la première fois depuis plusieurs semaines une chambre propre, et pour moi seule, avec des moustiquaires en dentelle (pas de moustiques, mais le charme des lits à baldaquins !). Il m’a fallu trois jours pour admettre que, oui, on pouvait être propre ; tout me paraissait reluisant, et aujourd’hui encore, je suis surprise à chaque fois que j’entends un touriste se plaindre de la saleté ou de l’inconfort dans un bus…

Train de nuit jusqu’à Hanoi. Là j’ai commencé à réaliser que quelque chose différait d’avant : pas besoin de concentrer le quart de ses neurones ni de son énergie, juste suivre le flot des touristes, de l’hôtel, au bus, du bus, à la gare, de là, au wagon. Même pas besoin de s’y prendre trois heures trente à l’avance ; on peut siroter une bière jusqu’au quart d’heure précédent le train.Grosse déception avec le train : ennuyeux à mourir, où sont les discussions hurlantes des Chinois, les graines de tournesol écrasées partout, les thermos d’eau chaude, les vendeurs de petits plats ?… 

Hanoi : sous les pavés, la rage ; sur les trottoirs, les sages…

À Hanoi, j’étais enfin sortie de ma torpeur des deux premiers jours – passés à « atterrir », trouver à échanger mon guide de la Chine contre un du Vietnam, comprendre comment calculer avec des zéros pour payer, observer, naviguer dans la boue -, et le charme de cette ville n’a pas tardé à opérer. Les Vietnamiens ont la culture du café (ca phe), on peut s’asseoir partout, boire un verre. Ils le boivent glacé – la glace est livrée par pains énormes, sur le porte-bagages d’une moto où à même les planches d’une charrette à vélo ; pas tellement de voitures au Vietnam, pas tant de frigidaires que ça non plus (trouver un coca frais sans glace pilée relève parfois du parcours du combattant), pas de micro-ondes… Des télés, par contre, jusque dans les maisons flottantes des pêcheurs de la baie d’Halong… -, accompagné d’un thé très léger pour diluer. Le thé vietnamien est surprenant, infâme il faut bien le dire, surtout après la Chine et ses mille saveurs – mais je suis encore en train d’en siroter un à l’heure où je vous écris, ça n’empêche… -, très pale d’aspect, mais il vous décharge une dose de caféine ressentie jusque dans les doigts certains jours.

Arrivée à 4h30 du matin dans Hanoi, j’ai eu la chance de voir les rues encore à l’état calme. Une heure plus tard, c’est parti, il faut un véritable apprentissage pour traverser la rue, on voit les touristes désemparés, se voyant déjà condamnés à ne voir Hanoi que du côté gauche du trottoir. Il s’agit d’avancer au beau milieu du trafic, sans s’arrêter mais à deux à l’heure ; si l’on s’arrête, on surprend le conducteur et c’est là qu’on se prend une moto. Car l’autre grande caractéristique, c’est qu’il n’y a que des motos (plus quelques vélos, mais tout Vietnamien qui se respecte ne rêve que du jour où il va passer au statut supérieur de motocycliste ; et quelques voitures, mais surtout des taxis, et plus à Saigon qu’à Hanoi m’a-t-il semblé).

En tout cas, après un mois de cet exercice, on adopte une démarche nouvelle, la lenteur dans la mobilité, adaptée au trafic aussi bien qu’à la chaleur.

Je remarque différents usages du trottoir et de la chaussée, d’un pays à l’autre, après la Chine et le Japon, et ici à présent : au Japon, on partage le trottoir avec les vélos ; en Chine, les vélos ont leur piste, le trottoir sert à tout le reste, se laver les dents ou faire pipi, même, s’il le faut ; au Vietnam on est obligé de marcher dans la rue, le trottoir sert à garer les motos, à cuisiner et à s’asseoir pour manger…

La ferveur retrouvée

A Hanoi j’ai commencé à prendre mes repères, restée une semaine, dans un dortoir à… 1 US$ ! J’ai parcouru et reparcouru les rues du centre, spécialisées l’une dans les perles, l’autre dans le fer blanc, la troisième dans les papiers religieux (faux billets de banque, boîtes à bijoux en papier, faux téléphones portables, même, destinés à être brûlés au temple ou sur l’autel familial. Après la coupure de la Chine, j’ai retrouvé, au Vietnam, quelque chose de la ferveur du Japon : partout, chez les gens, dans les magasins de vêtements, les restaurants, sur les troncs d’arbres… des mini-autels ; une fente dans le trottoir, une vieille cannette de soda, une planche de bois, tout est prétexte à glisser un ou deux bâtons d’encens.), et tant d’autres rues aux artisanats les plus spécifiques. 

Repos du guerrier

Coupure de trois jours pour aller voir la baie d’Halong, incontournable mais à bon droit : incroyable formation naturelle, et dormir sur le pont du bateau au milieu de ces pitons de jungle et du silence autour n’en était que plus fort. Tout autant que la randonnée du lendemain matin, guidés par un ancien soldat ayant combattu contre les GI’s (aucun Américain dans le groupe parmi nous, mais il nous a promis, le cas échéant, qu’il ne l’aurait pas semé dans la jungle ; tout cela est passé, et j’ajouterais même, l’Américain incarne solidement aujourd’hui le père du Roi Dollar, brûlé en facsimilé dans les temples, mais adulé dans la rue…). Le parcours relevait plus de l’escalade que de la randonnée, on peinait comme des bœufs, de liane en pierre bancale, tandis que lui gambadait en chaussures de toiles, taillant la route à la machette. Et donc je me suis dit que je n’aurais jamais pu être soldat. Ma montre était embuée par l’humidité autant que la dernière fois, à Kyoto, après trois heures de pluie battante sans parapluie. Mais ici c’est sous un soleil de plomb qu’on avançait…

Trois jours coincée avec un groupe, cependant, a ôté une certaine part de charme à l’expédition, et j’ai commencé à comprendre que voir le Vietnam, et non « les touristes au Vietnam », allait être une sacrée paire de manches, un challenge pour les trois semaines à venir, même. 

Triste touriste, joyeux tropiques

Je n’ai commencé à relever le challenge que quinze jours plus tard, en fait, ayant atteint le fond de ma tolérance à ce système discriminatoire permanent, à Hoi An, Mecque du tourisme au centre du Vietnam. Je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de quitter la spirale de la déception permanente : après la Chine et le Japon, une semaine de vacances font du bien, mais un mois comme ça à se traîner, facilement, avec le flot mono-orienté (du Nord au Sud ou du Sud au Nord : en tout cas on se suit les uns les autres, et on passe son temps à retrouver les gens qu’on avait aperçus la semaine d’avant), en se heurtant, à chaque tentative d’entrer en contact avec les Vietnamiens, à quelque intérêt commercial (quelqu’un vient vous parler, très ouvert, curieux, prêt à vous répondre sur deux ou trois questions concernant son pays ; et il ne faut pas trois minutes pour qu’il enchaîne subitement sur un « you come see my shop » ou « you buy something for me« …). Du coup les quelques rencontres authentiquement sincères prennent une saveur incomparable ! Mais parallèlement, on devient méfiant, on se fait violence pour admettre le caractère gratuit d’un tel contact.

L’argent pourrit tout, aussi bien les relations Vietnamiens/touristes, que les conversations des touristes entre eux : « …so cheap ! » et « dollar » sont probablement les trois mots les plus répandus sur le fil qui va du Nord au Sud du pays, le long des bus « open ticket » (ticket de bus « so cheap » qui permet aux backpackers d’économiser de quoi siffler quelques litres de bière ou de se payer quelques banana pancakes de plus ; bus spécial touristes, de même qu’il y a les bars spécial touristes, les restaurants spécial touristes, où le moindre verre de bière coûte 1/20ème du salaire mensuel d’un Vietnamien, etc.).

On n’est plus seulement assimilé à un Occidental (comme en Chine ou au Japon ; et après tout, c’est de bonne guerre : on est bien, en effet, des Occidentaux, et les Asiatiques ont autant de mal à nous distinguer physiquement les uns des autres, que nous à les différencier entre eux), mais également à un mangeur de fried eggs et de banana pancakes. Ce dernier semble bien s’assimiler à l’ultime signe de reconnaissance, l’appât 100% efficace du touriste, on le voit vanté en réclame sur toutes les devantures des endroits à touristes.

Je pourrais épiloguer comme ça longtemps sur le tourisme, en fait un voyage au Vietnam en apprend autant là-dessus que sur la culture vietnamienne probablement. C’est intéressant aussi après tout. Je voudrais lire Plateforme de Michel Houellbecq, maintenant que j’ai atteint Saigon et que je découvre, par-dessus le banana pancake, une bonne couche de prostitution et de gros types rougeauds traînant avec eux de jeunes Vietnamiennes salies aux yeux des leurs du moment même qu’elles s’affichent avec un Occidental. 

Jacques a dit : prends ton vélo sous la pluie

Arrivée à une phase d’interrogations tracassantes, tentée même de filer au Laos voisin ou d’accélerer vers le Cambodge, je me suis dit que non, il ne fallait pas baisser pavillon si vite, et que pouvait s’inventer une solution différente.

J’ai donc décidé, et de ne plus jamais reprendre de tour organisé, et de changer de méthode par rapport au « harcèlement » commercial permanent : non plus l’éternel « no, thank you« , coupable et désolé, mais le jeu, par exemple, qui consiste à trouver une réponse différente à chaque fois pour les 2 à 300 sollicitations de la journée, sollicitations du type « Madame, motorbike !« , « Where are you from ?« , « How old are you ?« , « Where are you going ?« , « Can I help you ?« , « You buy postcard for me« , « You have euro coins ?« , « What’s your name ?« , etc. Les Vietnamiens ne sont pas dupes, et ils ont l’air d’apprécier les réponses qui les surprennent un peu. Je ne comprends rien à leur langue, mais ils paraissent avoir de l’humour et aiment rire ; ceux qui parlent anglais ou français, y compris les guides touristiques, ont toujours un mot pour rire.

J’ai aussi opté de faire avec le climat, le milieu du pays étant noyé sous ce qui semblait bien se confirmer comme étant la saison des pluies… Après tout, n’avais-je pas toujours rêvé de tester la marche en tongs dans la boue jusqu’aux chevilles ?… Et puis si les Vietnamiens vivent six mois par an là-dessous, il doit y avoir un moyen de survivre. Le moyen en question apparaît, en fin de compte, sous la forme du poncho, et un tour en vélo jusqu’à la plage, à 5km, sous un typhon, est sûrement un souvenir plus marquant que deux jours de parties de cartes sous la bâche inondée d’un bar ! (j’ai quand même appris deux nouveaux jeux, un australien, le « shithead« , et un suisse, le « yas« , plus sophistiqué mais moins drôle…) 

Photocopillage sans limitation

La cuisine vietnamienne n’a pas la diversité de la chinoise, et je me prends à rêver parfois des currys thaïlandais ou indiens qui m’attendent, à défaut du poivre noir du Sichuan laissé en arrière… Mais ils ont une attraction qui me séduit assez, les restaurants végétariens, qui imitent à la perfection la viande, le poisson ou la charcuterie… avec du tofu et des champignons !

Le Vietnam est un pays maître dans l’art de la contrefaçon : non seulement les vêtements, sacs, chaussures (à Hoi An, par exemple, on peut se faire faire l’intégrale de La Redoute ou de Next pour quelques dollars), mais aussi les faux téléphones à brûler au temple, l’effigie du guide du routard, placardée partout – tantôt moustachu, tantôt barbu, blond, brun, ventru ou longiligne, mais c’est bien lui -, le nom de son concurrent voisin (pour un restaurant ou une agence de voyage, par exemple : cela donne des villes où toutes les agences portent le même nom… tout en restant de farouches concurrentes), les livres et guides touristiques photocopiés que l’on vous vend partout dans la rue ou les magasins, la viande et le poisson pour finir. Il est d’ailleurs significatif que les commerces de « photocopy » fleurissent partout et semblent prospérer confortablement… 

L’Asie est un dragon au pied d’argile

Aujourd’hui, je suis à deux jours de quitter le Vietnam, nostalgique déjà et savourant les derniers moments où l’on est, enfin, plus à l’aise, sachant un peu mieux à quoi s’attendre ou vers quoi tendre, goûtant le plaisir de négocier sans stress et avec le sourire.

Justement, le Vietnam m’a apporté le sourire, et un rythme nettement ralenti…

Je vais sûrement retrouver au Cambodge les deux tiers des touristes présents ici, et n’ayant pas très envie de faire quatre mois de circuit « backpacker on a shoe string around South-East Asia« , je crois que je vais renoncer au Laos et à la Birmanie pour cette fois-ci, et m’envoler, après la Thaïlande, pour l’Inde, histoire d’avoir eu un apercu du boomerang qui relie le Japon à l’Inde…Boomerang, ou dragon, car la légende dit, à Hoi An, que le pont japonais aurait été construit sur le talon d’Achille d’un dragon imaginaire reliant ces deux empires, et c’est pour se faire pardonner de la bête ainsi clouée au sol, qu’on lui aurait édifié un petit temple au sommet du pont… 

De la ville à la jungle

Pour un bref résumé géographique, après Hanoi je suis descendue à Hue, l’ancienne capitale, puis à Hoi An, très joli port de pêche noyé sous la pluie et les touristes, mais néanmoins ravissant, puis deux jours de plage et de vélo à Nha Trang.

En montagne, ensuite, à Dalat, où les choses ont commencé à prendre un tour nettement plus agréable et intéressant (VTT, visite d’une maison complètement farfelue, mi-Gaudi, mi-lianes des temples d’Angkor…), sortie du circuit rebattu pour rejoindre le parc naturel de Cat Tiem, une expédition en soi (et enfin un parfum de galère, retrouvé des deux mois précédents !) et la découverte de la forêt tropicale, nuits crissantes et coassantes, la porte ouverte sur l’épaisseur de la jungle, et morsure de sangsue à l’appui…

Saigon, enfin, où je me suis payé une chambre individuelle (!), chez l’habitant, et où je me promène tranquillement, à pieds, en moto ou en cyclo – ou cyclo-pousse, auquel j’ai eu un peu de mal à me mettre, un peu éhontée d’abord de me faire traîner en pleine chaleur par les coups de pédales déterminés de sexagénaires peu remplumés ; un peu moins en dépassant, sur ces cyclos, d’autres touristes plus volumineux, voire poussifs et avachis ; et de moins en moins finalement, en comprenant, face à leurs offres répétées au coin des rues, que les cyclo drivers ont désespérement besoin de travailler. Encore l’un de ces continuels arrangements avec la culpabilité, la star de notre Occident judéo-chrétien, mise au grand jour dans ce contexte asiatique et dans ce flagrant décalage financier… 

Au Vietnam, l’art se cultive en terrasse

Je suis aussi allée au musée des Beaux-Arts, espérant retrouver le choc éprouvé à Hanoi, à la découverte notamment des peintures à la lacque. L’une des saveurs fortes du Vietnam, après la Chine, c’est l’esthétique préservée. On y prête même une grande attention. On soigne ainsi les apparences : les gens sont élégants, même en pyjama (certains sont en pyjama, et bien leur en fait, c’est sans doute le vêtement le plus agréable à porter par cette chaleur…). Les maisons ont des façades, de style « néo-colonial », à balustrades, même si à l’intérieur on dort par terre à côté de sa moto entre ses cartons de marchandise, tandis que les étages sont loués aux touristes de passage…

Les artistes fleurissent partout, il y a un courant d’art contemporain assez actif, des galeries partout, outre les musées nationaux. J’ai croisé des étudiants dans un café qui chantaient, accompagnés d’une guitare ; une autre fois, on m’interrogeait, pour un sondage universitaire, sur la mode et son importance à mes yeux ; un autre jour, le patron d’un café me montrait des reproductions des travaux de tous ses amis peintres, et déchirait pour moi la page d’un ouvrage, une vision rouge feu de la cathédrâle d’Hanoi, en souvenir…

Après cette transition citadine et « civilisée », je me dirige vers le raffinement, dit-on, du Cambodge et des temples d’Angkor… Les gens se protègeraient moins du soleil là-bas (les Vietnamiennes se voilent la face et portent des gants : un coup de soleil, et c’est le risque, peu apprécié, d’être prise pour une Cambodgienne ; autant perdre la face mille fois que d’essuyer un tel affront !…), et des touristes par la même occasion, moins parqués dans des circuits fermés. A voir.

Je vous envoie en tout cas plein de soleil et de sourires vietnamiens !

A bientôt,

Pauline